Monsieur Desprez,
Saviez-vous que La Pucelle de Lille est née dans le quartier d’Esquermes en 1899 ? D’après les témoins d’époque, elle porte une robe rouge pourpre et exhale un parfum exquis. Vous l’avez compris, notre Pucelle est une rose et son créateur est le rosiériste Miellez qui appartient à une vieille maison de créateurs de roses installée à Esquermes lez Lille depuis le milieu du XVIIIème siècle. Son fondateur, Louis Xavier Miellez avait été l’un des tout premiers en France à s’occuper « en grand » des roses galliques.
On lui doit déjà vers 1828, 212 variétés de roses, dont certaines sont encore dans le commerce, voici quelques noms, dont bien sûr : Honneur d’Esquermes et Honneur des Flandre, ou plus exotique : Feu Turc, Flammes du Vésuve, Forges de Vulcain, Cupidon, Calife de Bagdad, Chapeau de Napoléon, MAIS surtout dans la famille Miellez je soupçonne la présence d’une épouse nommé Agathe car nous avons Agathe couleur de Soie en 1824, Agathe Chérie en 1825, Agathe Amusante en 1827, Agathe Admirable en 1843 et Agathe Précieuse en 1886.
Saviez vous qu’un homonyme, rosiériste comme vous, nommé Jean Desprez a créé dans les années 1825/30 une trentaine de roses à Yèbles, petit village de la Seine et Marne ? Parmi ses roses obtenues la « Desprez à fleurs jaunes » est restée célèbre du fait de sa vente à un marchand hollandais Monsieur Sisley-Vandaël, dans des conditions assez extravagantes : un beau jour, rendant visite à Jean Desprez à Yèbles en chaise de poste et sans même vouloir entrer au jardin, il clame haut et fort (l’histoire a été racontée plus tard par un témoin de la scène, Charles Desprez, fils de Jean) : « Monsieur, j’ai loué à Paris un terrain où je compte installer une pépinière au 31, rue Vaugirard face au jardin du Luxembourg, je tiens à débuter par un coup d’éclat, l’exploitation de votre rose jaune ! Combien voulez-vous me la vendre ? – Je ne suis pas marchand de roses – « Il ne s’agit point ici de commerce, V. Hugo, Lamartine, font bien éditer leurs œuvres et moi je serai l’éditeur de vos roses. Alors notre « Rosomane » (ainsi que Desprez aimait la nommer), succombe à l’offre et il réclame mille écus (3000 francs). Bien sûr la nouvelle de ce marché fit sensation parmi les jardiniers et depuis la Rose nommée « Desprez à fleurs jaunes » est devenue célèbre sous le nom de « la Mille Ecus ». J’ajoute que Jean Desprez avait planté dans un jardin clos 200 rosiers blancs s’approchant du bleu, c’est à dire l’ancienne rose indigo qui virait vers le violet.
A la fin du siècle dans toute la région autour de Yèbles et Grisy-Suisnes, les rosiéristes se lanceront dans la culture des roses, vendues en fleurs coupées aux Halles de Paris et transportées dans des paniers d’osier dans le train qui reliait Brie Comte Robert à la Bastille de 1872 à 1953, et, bien sûr, ce train fut surnommé « le train des roses ».
La rose Desprez « à fleurs jaunes