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Chronique du 17 décembre 2021

Vera Dupuis

Évocation de quelques membres correspondants remarquables depuis la fondation de la Société des Amateurs des Sciences et des Arts en 1802

Fondée en 1802 notre Société compte déjà un an plus tard 34 membres correspondants, la plupart sont originaire des villes du nord, on observe que notre Société commence à tisser un réseau régional porté par des membres correspondants qui participent à la diffusion de l’information scientifique et culturelle.

En 1804 notre Société nomme Etienne-Louis Malus membre correspondant (1775-1812) Malus mène une carrière de militaire et une carrière de scientifique ; il a participé à la campagne d’Égypte où il a pris part à la bataille des Pyramides en juillet 1798 ; en tant que scientifique il siège en Égypte dans le tout nouvel Institut Scientifique au côté des Gaspard Monge dans la section des Mathématiques.

Il faut attendre 1809 pour que trois célèbres artistes intègrent le rang des membres correspondants : Le sculpteur Philippe-Laurent Roland, le graveur Masquelier et Jean-Baptiste Wicar, futur bienfaiteur de notre Société. La date de 1809 n’est pas anodine dans le choix de ces trois artistes : cette année-là s’ouvre à Lille le premier Musée de peintures de la ville, installée dans l’ancien Couvent des Récollets, rue des Arts. Notre Société a toujours été à la pointe de l’actualité, elle montre à sa manière l’intérêt qu’elle porte à l’ouverture du musée ; j’imagine aisément Sébastien Bottin pour rapporteur de ces trois nominations, car c’est un membre très actif qui aime les arts, il est le secrétaire général à la Préfecture de Lille, celle qui a poussé la ville à ouvrir un musée avec les tableaux réquisitionnés pendant la Révolution française. Lorsque Wicar passe pour une dernière fois à Lille en 1815 il peint un très beau portrait de S. Bottin aujourd’hui dans les collections du Palais des Beaux-Arts de Lille.

Petit à petit en consultant nos Mémoires on décerne des affinités entre nos rapporteurs et le choix des  correspondants,  ce fut le cas par exemple du choix en 1810 de François de Neufchâteau,  il fut dans sa longue vie Ministre de l’intérieur, Sénateur, proche de l’Empereur, avec une passion pour l’Agronomie ; il entretenait une correspondance abondante avec Sébastien Bottin  sur des questions agricoles, en particulier sur la pomme de terre et  la chicorée, il pose même la question : faut-il remplacer le café par la poudre de chicorée  Les  archives nationales à Paris, possèdent dans le Fonds François de Neufchâteau, sa lettre d’admission à la SSAAL, daté du 5 aout 1810 ! (cf ma chronique du 14/6/2019)

Autre affinité, celle entre Fréderic Kuhlmann et le chimiste Allemand Justus Von Liebig, tous deux nés la même année 1803 ; Liebig est par son travail de chercheur et d’enseignant en Allemagne LE fondateur de l’agriculture industrielle ; c’est un proche du chimiste Kuhlmann, qui le fait nommer correspondant en 1829, Liebig a alors tout juste 26 ans. Quelques années plus tard, Kuhlmann enverra son fils pour un stage chez Liebig (1841).

Bien sûr, scientifiques, littéraires et artistes n’échappent pas à la clairvoyance de notre Société, voici quelques noms :

René-Just Haüy, 1806, qui est le grand minéralogiste français, membre de l’Institut.

– L’année 1826 est une année faste : arrive Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, le célèbre naturaliste, c’est bien lui qui a accompagné en 1828 pendant 41 jours entre Marseille et Paris la fameuse girafe offerte à Charles X par le Pacha d’Égypte. Arrivent également en 1826 J. W. von Goethe et Sosthène de la Rochefoucauld, directeur des Beaux-Arts auprès du roi Charles X qui vole au secours de la Société Royale des Sciences de l’Agriculture et des Arts de Lille, celle-ci vient lancer en1828 un concours pour améliorer la race ovine dont la qualité grossière de la laine ne donnait pas toute satisfaction. Alors notre Sosthène de la Rochefoucauld va se transformer en gentleman Farmer en faisant tout simplement don à la Société Royale d’un superbe bélier anglais du New-Leicester et comme il le dit « dans l’espérance d’améliorer la qualité de la laine des moutons » (cf. ma chronique du 15/12/2017).

– En 1834 arrivent François Arago, astronome, physicien et homme d’État français et Adolphe Brongniart, professeur au muséum d’histoire naturelle à Paris (1840)

– En 1852 Albert Duc de Luynes

– En 1855 notre Louis César Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal

–  Évidemment Louis Pasteur, membre titulaire de notre Société depuis 1855, devient membre correspondant en quittant Lille en 1857

Je souhaite évoquer encore les liens amicaux entre deux entomologistes, le lillois Pierre Justin Marie Macquart, membre titulaire de notre Société depuis 1803 et Johann Wilhelm Meigen entomologiste allemand, tous deux spécialistes des diptères, Meigen devient notre correspondant en 1833. Il est connu pour sa description systématique des diptères d’Europe, grâce à une publication en 7 volumes, (parus de 1818 à 1838), contenant la description de 5.500 espèces européennes et accompagnée de nombreuses planches dessinées par l’auteur. Il fut le véritable créateur de la diptérologie.  Macquart raconte dans nos mémoires que Meigen était père de 14 enfants et qu’il tirait le diable par la queue.  Macquart l’a aidé à vendre ses collections et ses dessins au Muséum de Paris, ce Musée possède aujourd’hui une exceptionnelle collection de planches, de publications et de précieuses descriptions. J’ouvre une parenthèse : Macquart à sa mort en 1855 a légué à notre Société sa bibliothèque contenant 800 volumes et sa collection d’insectes.

Je termine en me posant une question ! Où sont les femmes ?

HELAS, en un siècle notre Société n’aura nommé que 2 femmes membres correspondants : la première en 1828 : Marie-Anne Libert, naturaliste belge, et la seconde en 1830 : Albertine Clément, une femme de lettre, écrivaine et journaliste, née à Cambrai. J’ajoute : une sacrée bonne femme, qui en valait 10, petite consolation (cf. ma chronique du 19/1/2018)

Voir ici les correspondants « historiques »

 

Un Vendredi de Vera

   QUELQUES  CORRESPONDANCES  DE  LA  SSAAL  AU  FONDS  DES  ARCHIVES  DU  NORD

Vendredi 14 septembre 2018

Vera Dupuis

La Société des Sciences de l’Agriculture et des Arts de Lille a toujours été très sollicitée. En témoigne une abondante correspondance dans les divers fonds d’archives, preuve supplémentaire de la reconnaissance et de la place qu’occupait la SSAAL dans le monde des sciences en France, et ailleurs dans le monde. L’échantillon des correspondances retrouvées dans le fonds des Archives du Nord donne un petit aperçu de la diversité des sollicitations. Ce fonds, fort volumineux, est constitué de 568 dossiers sous la cote 149 J ; selon les dossiers, on peut y trouver regroupés entre une dizaine et une centaine de documents… Du dossier côte 149 J/91, Voici un petit aperçu de la diversité du Fonds : cote 149J/83 « Locaux, bibliothèque, correspondance, plans, articles relatif aux locaux de la SSAAL (concerne surtout la salle du Conclave, la cession de la bibliothèque à la Ville de Lille et l’installation à l’Hospice Comtesse) 1906-1976 ; cote 149J/89 « Publications et impression de 12 Planches de Mr. Corsin 1944-45 » ; cote 149J/111 « Délibérations de la SSAAL, registre et copie 1803-1817 » ; cote 149J/103 à 109 contient 271 dossiers individuel de nos membres dont 33 ont donné leurs noms à une rue de Lille (depuis 1802 à nos jours la SSAAL a enregistré plus de 500 membres). J’ai exhumé quelques lettres de la première moitié du XXème siècle, à commencer par quatre datées de 1934/35 qui nous ont été adressées d’URSS, priant la SSAAL de leur envoyer régulièrement ses Mémoires :

1 – Lettre en provenance de Moscou, datée du 7 août 1934 : l’Académie des Sciences de l’URSS demande la collection complète des Mémoires de la Société (depuis 1806, première publication). Dans sa réponse, la SSAAL signale que ses archives ont brûlé en 1916 et que la collection complète de ses Mémoires a disparu dans l’incendie.

2 – Réponse de Moscou datée du 17 octobre 1934, expéditeur l’Académie des Sciences de l’URSS accusant réception de la lettre de la SSAAL et sollicitant les Mémoires à partir de 1925 ; l’Académie précise qu’elle possède les publications de la SSAAL de 1925-1932.

3 – Lettre en provenance de Moscou, datée du 4 février 1935, expéditeur la Société pour les Relations Culturelles entre l’URSS et l’Etranger ; cette Société relaie la demande de la Bibliothèque Scientifique Régionale d’Arkhangelsk qui sollicite de la SSAAL les publications à partir de 1935 (Arkhangelsk est une ville à 1000 km au nord de Moscou, sur l’embouchure de la Dvina, à environ 25 km de la Mer Blanche).

4 – Lettre en provenance de Moscou datée du 14 octobre 1934 : l’Institut pour l’Elevage des Moutons à Rostov sur le Don sollicite la SSAAL de lui faire parvenir nos publications à titre d’échanges. Réponse négative de la SSAAL.

5 – Lettre de Berlin datée du 26 février 1912, expéditeur Doktor Oskar Fischel, Historien de l’Art, grand spécialiste de la peinture et des dessins de Raphaël. Il recherche plusieurs photos de dessins de Raphaël (collection Wicar Musée des Beaux Arts de Lille) et souhaite obtenir des photos réalisées par l’un de nos membres, Delphin Petit (son livre, paru en 1913, contient entre autres 16 dessins de Raphaël en provenance de la collection Wicar/Lille).

6 – Lettre du Cabinet du Préfet du Nord, M. L. Hudelo, datée du 10 septembre 1925, concernant la participation à une pétition en faveur d’une rencontre de M. Caillaux ministre des Finances se rendant aux USA pour traiter de la dette française aux USA avec M. Herbert Hoover ministre du Commerce…

7 – Lettre du Président du Comité des Parrainages de la France Dévastée, datée du 15 juin 1921. Il prie la SSAAL d’accueillir Monsieur Léopold Lugones, écrivain et personnalité argentine, qui a rendu pendant la guerre des services considérables à la France. La SSAAL propose de l’accueillir au Musée des Beaux Arts de Lille le dimanche 26 juin 1921 à 10h00 avant sa réception à la Mairie à 11h30.

8 – Lettre du Quai Conti, du conservateur de la Bibliothèque Mazarine, datée du 8 avril 1933 : demande d’inscrire la bibliothèque Mazarine sur la liste de la SSAAL des envois gracieux de ses Mémoires

9 – Courrier de remerciements du Quai Conti, daté du 17 février 1934 : entretemps la SSAAL a envoyé ses Mémoires publiés depuis 1925 en y ajoutant deux autres publications : Lille au XVIIIème siècle et « Histoire de la Société des Sciences de l’Agriculture et des Arts 1802-1865 », auteur Anatole de Norguet, avant-propos de Paul Denis du Péage (Lille, Danel 1925)

10 – Lettre d’Ottawa/Canada de Mr. Alfred Debelles Fils, daté du 8 octobre 1931 ; il propose d’envoyer à la SSAAL son ouvrage : « Notre Beau Parler de France »

11 – Lettre du libraire René Giard, rue Royale à Lille, datée du 20 octobre 1960 sollicitant de la SSAAL le prêter gracieux de la collection de photographies reproduisant les principales curiosités archéologique de Lille léguées à la SSAAL par Delphin Petit

12 – Lettre de la Bibliothèque Municipale de Lille : Mlle Crombez, conservateur, fait suivre une lettre destinée à la SSAAL concernant un manuscrit de M. Malus, membre de la Société, concernant sa conférence lue devant la Société (alors des Amateurs des sciences et des arts) lors de la séance du 24 Frimaire l’An XII (1804).

13 – Le Compte du 1er Janvier au 31 décembre 1933 de la SSAAL qui fait apparaître 2 postes de dépenses :

Frais de Correspondances et abonnement postal : 256, 40 Francs

Frais des publications 116.429 Francs

Le tout sur un total des recettes de 313. 622,53 Francs (1933)

– Un vendredi de Véra, le 18 mai 2018 : Goethe et David d’Angers

Hommage et courte chronique pour deux éminents  membres correspondants de la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille : 

 J.W. von Goethe et P. David d’Angers

Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) homme de lettres

Lorsque J.W. von Goethe (1749-1832) devient membre correspondant de la SSAAL en 1826 il prend place parmi les 139 autres correspondants français ou étrangers que compte la SSAAL cette année-là. Elle compte alors 42 membres résidents et a des échanges avec 69 sociétés savantes du monde entier. On trouve dans les publications de nos Mémoires de l’époque la mention suivante : « le 15 décembre 1826, le Baron von Goethe, ministre d’État, président de la Société minéralogique d’Iéna devient membre correspondant ». On remarquera, chose tout-à-fait amusante, que Goethe n’est pas choisi en tant qu’auteur du Faust ou du Werther, non, mais en tant que Président de la Société de Minéralogie d’Iéna, Société qu’il préside depuis 1803 (jusqu’à sa mort en 1832). Die Societät für gesammte Mineralogie zu Jena a été fondée en 1797 par Johann Georg Lenz, professeur de minéralogie à Jena, qui deviendra lui aussi membre correspondant de la SSAAL ce même jour.

Tout au long de sa vie, Goethe a constitué une collection de minéraux qui compte à sa mort jusqu’à 17 800 éléments. Il désirait parvenir à une compréhension générale de la composition matérielle de la Terre et de l’Histoire de celle-ci.

Nous avons retrouvé dans la publication de la correspondance de Goethe la lettre ci-dessous adressée à Carl Jügel, Libraire à Frankfurt, datée du 11 avril 1828, le sollicitant de lui procurer deux exemplaires des Mémoires de la SSAAL de l’Année 1826.

Johann Wolfgang von Goethe – Briefe

 An Carl Jügel

Ew. Wohlgeboren

ersuche hiedurch um einige Gefälligkeiten.

1) Wünschte nachstehendes Buch bald zu erhalten :

Précis de Minéralogie moderne, par J. O. Desnos. Deux volumes, avec planches, grand en 32. Au bureau de souscription, rue du Jardinet.

2) Sodann wünschte zu erfahren, welche Bände des Globe wieder abgedruckt worden. Wenn ich nicht irre, der erste und zweyte. Ingleichen bitte mir den Preis zu melden.

3) Wollen Sie sodann die Gefälligkeit haben, gegen beyliegende Scheine zwey Exemplare :

Recueil des Travaux de la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille, pour l’année 1826 durch Ihre Handelsfreunde in Empfang nehmen zu lassen und mir solche zu übersenden.

Einiges Weitere mir zunächst vorbehaltend.

Weimar den 11. April 1828

(Carl Jügel avait des contacts professionnels avec des libraires en France et Goethe évoque dans sa lettre des « beyliegende Scheine » : il s’agit de deux Bons émis par la SSAAL, envoyés aux correspondants pour pouvoir se procurer les Mémoires de la SSAAL,)

En 1826, en même temps que Goethe le célèbre naturaliste Geoffroy de Saint Hilaire est nommé correspondant de la SSAAL ; Goethe suit avec un très grand intérêt les péripéties de la querelle qui avait éclaté entre Cuvier et Geoffroy de Saint Hilaire le 22 février 1830 à l’Académie des Sciences sur l’origine des espèces. Comme il adhérait lui-même à l’idée d’une évolution cohérente des espèces, il était entièrement du côté de Geoffroy de Saint Hilaire

(Les liens entre la SSAAL et la Société de Minéralogie de Jena ont retrouvé un écho grâce à Patrick Cordier, membre titulaire de la SSAAL, qui fut président de la Société Française de Minéralogie et de Cristallographie en 2009 et 2010 dans le même temps que son collègue allemand, Falko Langenhorst, présidait à Jena à la même époque die Societät für gesammte Mineralogie zu Jena.)

Pierre-Jean David d’Angers (1788 – 1856), sculpteur et médailleur

La SSAAL lui décerne la médaille d’or d’une valeur de 300 francs en 1846 pour sa rédaction de la meilleure notice sur la vie et les ouvrages du statuaire Philippe-Laurent Roland (1786- 1816) originaire de Pont-à-Marcq, contemporain et ami de Wicar. En effet, dès sa création, la SSAAL s’applique à rendre hommage aux artistes, écrivains, chroniqueurs illustres du Nord de la France tels que le peintre Jean de Bologne, le diplomate Augier de Bousbecque, le musicien Josquin des Prés, le chroniqueur Philippe de Commynes, sans oublier Jean Baptiste Wicar primé en 1844. L’heureux lauréat 1846, le célèbre sculpteur David d’Angers fut élève du statuaire Roland, donc témoin direct pour raconter en 50 pages la vie et l’œuvre de son maître. Le rapport de Pierre Legrand, d’une vingtaine de pages, est lu en séance publique le 20 juillet ; Pierre Legrand est membre titulaire de la SSAAL depuis 1832, Président du Conseil du Nord et bientôt Député du Nord en 18481. C’est également en 1848 que David d’Angers deviendra correspondant de la SSAAL.

Avec Rude, David d’Angers domine toute la première moitié du XIXe siècle pour la sculpture romantique. Il dresse à travers ses médaillons et ses bustes un véritable panorama des grandes figures du monde intellectuel dont Victor Hugo, Prosper Mérimée, Alfred de Musset, George Sand… Au total, ce sont plus de 500 médaillons qui sont parvenus jusqu’à nous Sculpteur, à l’écart des mondanités artistiques, il est en revanche l’un des artistes aux relations les plus internationales : il est l’auteur du buste de La Fayette exposé à New York au Metropolitan Museum of Art et du buste de Washington installé dans la salle du Congrès des Etats-Unis.

Fervent admirateur de Goethe, David d’Angers lui rend visite à Weimar en aout 1829 pour réaliser son portrait, Goethe accepte de poser trois jours, cela permet à David d’Angers de réaliser le moulage d’une Tête colossale et d’un médaillon. Auparavant David d’Angers avait envoyé une caisse remplie de reproductions de ses médailles à Goethe, collectionneur passionné. Les médailles faisaient autour de lui comme une galerie de français distingués dans les arts et les lettres, et en les regardant il confiait à son fidèle Eckermann : « la France est une des nations les plus cultivées de la Terre et à laquelle je suis redevable d’une si grande part de ma propre culture. » (cf. Pierre Grapin dans Goethe et la France, 1982 Goethe-Institut Paris).

David d’Angers est également l’auteur du monument Jean Bart à Dunkerque (1845), de celui d’Henri II à Boulogne sur Mer (1826), du monument funéraire de Fénelon dans la cathédrale Notre Dame de Cambrai (1826) et d’un médaillon de Marceline Desbordes-Valmore. En 1845, la Société de l’Agriculture, du Commerce, des Sciences et Arts de Calais s’adresse à lui pour commander un monument à la gloire des Six Bourgeois de Calais. Une souscription est lancée, David d’Angers accourt à Calais, donne son accord, laisse libre cours à son imagination et commence à décrire la statue telle qu’il la conçoit : « je conserverai la chemise traditionnelle, cette glorieuse tunique du martyr. Mais soyez tranquille, mon Eustache ne ressemblera pas à un vaincu… des bas-reliefs diront ensuite ce drame tout entier et Jean de Vienne ne sera pas oublié, le courage militaire aura donc aussi sa place », et s’adressant aux membres de la Société des Sciences de Calais, il termine par ces mots « ma visite aujourd’hui ne compte pas, messieurs, ma visite sérieuse sera celle où je laisserai à votre ville ma carte de bronze de statuaire. Mais pressez-vous messieurs, car je ne voudrais pas mourir sans avoir payé ma dette au plus noble, au plus sublime dévouement qui illustre notre histoire nationale. Dans deux ans, inaugurez votre statue et comptez sur vos citoyens, renommés pour la générosité de leur cœur ».Mais le destin en a décidé autrement, le projet est finalement abandonné par manque d’argent. In fine, c’est en 1895 que sera inauguré le Monument sculpté par l’autre géant statuaire de la deuxième moitié du XIXème siècle : Rodin. ( cf. Vera Dupuis, « Les Six Bourgeois de Calais ont failli n’être pas de Rodin » Côte d’Opale magazine Octobre 2014).

LES IMPETRANTS :

PJ David d’Angers                     JW von Goethe (par PJDA)

1 Cf. Mémoire de la Société Royale des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille, Année 1845/1846, mis en ligne par l’Université de Berkeley (CA)

 

ssaaladm

10/03/2018

Une baleine et des canards

          Controverse journalistique au sujet des reliques d’un musée disparu

      par André  Dhainaut, invité du Vendredi 16 mars

Les faits exposés ci-dessous impliquent un membre de la SSAAL, le Pr Alphonse Malaquin, conservateur du Musée d’Histoire Naturelle, politiquement proche du Maire de Lille de l’époque et Alex Will, journaliste d’opposition au Réveil du Nord fondé en 1889.

Prémisses. Au 19ème siècle, les collections du Musée d’Histoire Naturelle avaient été l’objet de tribulations complexes. Un premier musée est inauguré en 1822 dans les locaux de l’ancien Palais Rihour (1). En 1855, la SSAAL transfère le Musée à la Ville pour servir à l’enseignement et l’installe rue des Fleurs dans les locaux de la Faculté des Sciences. Le ministre propose que le professeur titulaire de la chaire d’histoire naturelle en soit, de droit, le conservateur. En 1862, la SSAAL est déclarée d’Utilité Publique. Ses nouvelles obligations ne lui permettant plus d’assurer la gestion des musées, celle-ci est dès lors assurée par la municipalité de la ville de Lille.

Début 1913, les locaux de la Faculté des Sciences, rue des Fleurs (où avait travaillé L. Pasteur en 1855-56), sont abandonnés puisque la Faculté a gagné le Quartier Saint-Michel. Les locaux de l’ancienne Faculté étaient intégrés dans un complexe de bâtiments formant initialement le Lycée impérial (rebaptisé Lycée Faidherbe en 1893, démoli vers 1961-62, remplacé par le Collège Carnot en 1964). S’y trouvait aussi le Musée d’Histoire Naturelle dont les collections avaient été déménagées en 1908 pour gagner l’actuel Musée de la rue Malus.

La joute. Début juillet 1913, un article du Réveil du Nord engage une polémique contre la municipalité et le Pr Malaquin au sujet de pièces qui auraient été « oubliées » rue des Fleurs. Sous le titre « Le déluge dans un musée – Une baleine, des fossiles antédiluviens se plaignent des procédés municipaux », le journaliste Alex Will, dénonce l’état dans lequel des pièces de collections auraient été abandonnées sur place : « Lille possède une baleine qui se noie dans les plâtras, des ossements préhistoriques qui se mêlent démocratiquement à la poussière des démolitions, des oiseaux de toutes les latitudes et de tous les âges depuis l’ibis sacré jusqu’au pingouin vulgaire » (2). Ayant raconté ses exploits pour visiter le bâtiment en cours de démolition, le journaliste de conclure : « je me demande où [la municipalité| conduira les vivants quand elle mène à ce sort pitoyable les fossiles dont elle a la charge ».

A. Malaquin lui répond qu’en revisitant le bâtiment, il n’a trouvé que de vieilles pièces sans intérêt dont la restauration n’aurait pas été possible, entre autre une baleine dans un état de vétusté tel que son transport n’était pas envisageable et « un grand cétacé dont les ossements épars attendent depuis bientôt cinquante ans qu’on les réunisse. Mais il faudrait pour cela plusieurs milliers de francs et en outre la construction d’une salle spéciale… ».

Le 14 juillet 1913, la querelle reprend et le journaliste suggère perfidement que « le Maire va, lors de sa prochaine braderie, vendre la ménagerie miteuse dont ne veut plus M. Malaquin. Il espère avec le produit de cette vente payer les dettes du Nouveau Théâtre » (l’Opéra actuel, alors en construction, architecte Louis Marie Cordonnier membre de la SSAAL). Attaques auxquelles Malaquin réplique le jour même par un court droit de réponse dans lequel il suggère : « Si nos vitrines ornithologiques ont perdu leur ibis sacré et leur pingouin vulgaire, le Réveil du Nord pourrait les remplacer s’il consentait à envoyer à notre Musée leur belle collection de canards qu’il doit tenir en réserve ! ».

Epilogue : Le bâtiment et ses « trésors » miteux brûleront en 1915, la rue des Fleurs sera alors englobée dans le boulevard Carnot. Peut-être circulez-vous sur quelques ossements de baleine quand vous l’empruntez – vérifiez sur le plan ci-joint !

(1) Le Palais Rihour, bâti au 15ème siècle par le duc de Bourgogne Philippe Le Bon est acheté au 17ème siècle par la ville qui en fait son Hôtel de Ville. Devenu vétuste, le bâtiment est démoli en majeure partie vers 1846. A son emplacement est construit de 1849 à 1859 un nouvel Hôtel de ville (architecte Charles Benvignat, membre de la SSAAL) qui brûlera en avril 1916.

(2) Ces pièces provenaient vraisemblablement du premier Musée d’Histoire Naturelle hébergé dans l’ancien Palais Rihour. On ne sait pas où ces collections furent entreposées entre la destruction de celui-ci en 1846 et leurs transferts dans les bâtiments de la Faculté des Sciences, rue des Fleurs, en 1855.

Références

  • De larges passages de ce texte sont issus de la publication de Roger MARCEL : Le Musée d’Histoire Naturelle de Lille de 1820 à 1980. in « Contribution à l’Histoire de la Faculté des Sciences 1854-1970» (en ligne, site  ASA-USTL /  Accueil 09 : Histoire de la Faculté des Sciences)
  • André Dhainaut A. 2013, Historique des musées scientifiques lillois et de leurs collections (Archives du Musée d’Histoire Naturelle de Lille)

– Un Vendredi de Véra, le 16 Février 2018

Le Fonds Lefebvre de la Bibliothèque Municipale de Lille

Léon Lefebvre est  titulaire de notre Société depuis 1893, trésorier de 1904 à 1910. Imprimeur de « père en fils », il est connu pour ses nombreuses publications racontant l’Histoire des Théâtres de Lille, des origines aux débuts du XXème.

De son entrée dans notre Société jusque 1913, il a tout classé à titre personnel  ; convocations, compte-rendus, « Appel à candidature pour la Bourse Wicar », programmes des Séances Solennelles, propositions de dîner dans le meilleur restaurant  de l’époque (le Divoir) …

Quelques Hauts Faits choisis dans ce fonds des années 1909-10 : la SSAAL répond régulièrement favorablement aux demandes de souscriptions : commémoration de la bataille de Malplaquet 200 ans plus tôt, statue du maire André Place du Concert à Lille, de Berthelot devant le Collège de France, de  Pasteur (président de la SSAAL en 1857) dans sa ville natale de Dole : la Société fait par souscription un don de 50 francs, 200 € 2018). Elle participe aussi à diverses publications comme celle de l’ouvrage en 5 volumes «  La Peinture au Musée de Lille » par  F. Benoit (membre de notre Société). Elle prête encore son concours à deux ouvrages de création  qui, selon le compte rendu, « font l’honneur de la ville » : La Revue du Nord  et La Revue Germanique.

En 1906, notre Société fait don à la ville des 30.000 volumes (!) de sa bibliothèque en échange d’une salle de réunion à l’Hôtel de Ville, Place Rihour ; 600 francs de l’époque sont engagés en 1909 pour son embellissement – mais tout disparaitra dans l’incendie de 1916…

1909 toujours, notre Société édite à ses frais la superbe carte géologique du Nord réalisée par H. Douxami (membre de la SSAAL) et M. Leriche sous la direction de J. Gosselet, offerte aux Membres de la Société de Géologie du Nord, disponible sur le site numérique de l’IRIS.

1909 encore : le Président de la SSAAL, Mr Bigo-Danel, Vice-Président de la Compagnie des Mines de Lens invite les membres à prendre le train pour leur faire découvrir sa dernière acquisition : un puits en activité.

La Bourse Wicar reste à l’Ordre du Jour : la lauréate 1910 est Mlle Hauterive Notre consul à Rome se demande si la nomination d’une femme comme pensionnaire Wicar est conforme au testament. La SSAAL lui répond qu’elle est absolument conforme.

1910 s’achève en musique avec la Séance Solennelle du 18 décembre dans la salle des fêtes

de la Société Industrielle avec le concours de l’orchestre du Grand-Théâtre de Lille. Discours d’A. Calmette, Président de la SSAAL : « Ce que Pasteur doit à Lille, ce que Lille doit à Pasteur », le texte (pages 3 à 12) est (pages 3 à 12).

Illustrations : Fonds Lefebvre, 1 carton Société des Sciences – 1893 à 1906  et  1 carton Société des Sciences,  1907 à 1913 Bibliothèque Municipale, Lille ; carte de géologie  en ligne sur le site de L’IRIS

– Un Vendredi de Véra, le 19 janvier 2018

HONNEUR AUX FEMMES !

Ont dû s’exclamer en chœur MM. Fée, Vaidy et Guillot, présidents successifs de la SSAAL (1828-1830) lorsqu’ont été élues 2 membres correspondants  féminins. La première admise fut Marie-Anne Libert, née en 1782 à Malmedy (Belgique). Passionnée de botanique, elle publie dès 1826 dans le Bulletin de la SSAAL le résultat de ses recherches «Mémoire sur des cryptogames observées aux environs de Malmedy»,  tableau méthodique du règne végétal de la circonscription de Liège. Elle est non seulement l’auteur de la collection «Les plantes Cryptogames», 4 fascicules parus vers 1830 sur les lichens, algues, champignons et fougères, et dès 1845 elle donne aussi une description détaillée du champignon responsable de la maladie de la pomme de terre, étant ainsi l’un des premiers à identifier la responsabilité du mildiou. Elle meurt  en 1865 à 83 ans. Le « Cercle naturaliste de la région de Malmedy » fondé en 1951, s’intitule aujourd’hui: « Cercle Royal Marie-Anne Libert ».

Un Vendredi de Véra, le 19 janvier 2018 | Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille

La seconde, admise en 1829, est femme de lettres : Albertine Clément-Hémery, née à Cambrai en 1778. Incontestablement femme émancipée dans la droite ligne de Madame de Staël, ses mémoires (1832) nous apprennent qu’elle étudie depuis ses 14 ans dessin et peinture à Paris dans l’atelier de J-Baptiste Regnault (mort en 1829). Ses souvenirs décrivent avec pittoresque l’intérieur de cet atelier de dessins (1792/93) qui deviendra le plus grand espace de formation artistique ouvert aux femmes à Paris, où iront s’initier plus de 30 élèves  de 14 à 25 ans. Veuve à 19 ans, Albertine participe  dès 1797 à l’élaboration du  Journal des dames et des modes. Très vite, ce journal devint le médium privilégié d’une observation ironique de la société où elle défend régulièrement l’émancipation de la femme, journal qu’elle dirigera pendant 30 ans dont elle assume la rédaction. Visiblement elle possède une solide expérience journalistique puisqu’elle dirige deux autres journaux : le Sans-Souci et Le Démocrate français, journal de politique, de littérature et de spectacles. Elle aura l’occasion d’exprimer ses convictions féministes dans un virulent pamphlet publié en 1801, écrit en une nuit :  « Les Femmes vengées de la sottise d’un philosophe du jour ou Réponse au projet de loi de Monsieur Sylvain Maréchal portant défense d’apprendre à lire aux femmes » (fig. ci-dessous). Dans ce pamphlet fort amusant, elle répond point par point à l’auteur qui mettait en garde en une centaine de pages contre « Les risques que court l’innocence d’une jeune fille livrée aux leçons d’un grammairien». Réponse d’Albertine : « C’est pourquoi, il est urgent de former des institutrices éclairées, qui prémunissent les jeunes filles contre les séductions d’un sexe perfide, qui ne respecte ni l’innocence, ni la vertu».  Vers 1829, elle revient vivre auprès de son père à Avesnes / Helpe où elle va se consacrer à l’éducation des jeunes filles et à la publication de nombreux manuscrits tels que Promenades dans l’arrondissement d’Avesnes (1829).  En 1843, la SSAAL lui décerne une médaille pour son mémoire « Recherches sur la fête des trente-un rois à Tournay « . Elle meurt en 1855 à 77 ans, laissant derrière elle une bibliothèque d’environ 2.600 volumes.

Un Vendredi de Véra, le 19 janvier 2018 | Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de LilleProjet d'une loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes (1801). Suivi de Réponses de Marie-Armande Gacon-Dufour et Albertine Clément-Hémery - Librairie Mollat Bordeaux

 

– Un Vendredi de Véra, le 15 Décembre 2017

La Société des Amateurs des Sciences et des Arts 

devient

La Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts

 

Le 4 novembre 1819, M. de Muyssart, Préfet du Nord rend l’arrêté suivant :

Vu la circulaire de son Excellence le Ministre de l’Intérieur en date du 14 août 1819, relative à l’institution d’une société d’agriculture dans chaque chef-lieu d’arrondissement ;

Considérant qu’il existe déjà à Lille une Société d’Amateurs des Sciences et Arts, qu’elle s’est déjà occupée d’économie rurale et qu’elle consent à comprendre l’agriculture au nombre de ses travaux ;

Arrêtons ce qui suit : 1° La Société des Sciences et Arts existant à Lille tiendra lieu de la Société d’agriculture de l’arrondissement de Lille ; elle prendra le titre de Société des Sciences, Arts et Agriculture. (cf. Anatole de Norguet «  Histoire de la SSAAL de 1802 à 1860 »).

Avec leur sérieux coutumier, les membres de la SSAAL, sous la présidence de   J-V. Vaidy forment aussitôt une commission chargée d’accueillir les nouveaux membres issus du monde rural – à l’époque cela ne se faisait pas sans longues discussions internes -, on admet finalement plus de grands propriétaires terriens que de simples cultivateurs.  Le sujet de l’agriculture a très intensément occupé notre Société de 1820 à 1856 et en particulier lors de la distribution des prix en faveur de l’économie rurale (à partir de 1856 le Comice Agricole prendra le relai). Lors de la séance solennelle de 1827, le Président J. Macquart insiste sur les « deux branches de notre prospérité rurale que la SSAAL a particulièrement en vue dans l’arrondissement de Lille : celle du houblon et le concours ouvert pour améliorer la race ovine ».  Il ajoute « la qualité bien grossière de nos laines avait engagé la Société à exciter l’introduction de béliers étrangers dans l’espérance d’améliorer cette branche ». A la grande déception de tous, une première tentative d’introduire les races anglaises et hollandaises est restée sans résultat. Aussitôt et sans se décourager, la Société lance un nouvel appel aux propriétaires de troupeaux pour le concours de 1828.

L’aide viendra d’un membre correspondant extérieur, qui n’est autre que le vicomte Sosthène Ier de la Rochefoucauld, directeur des Beaux-Arts auprès du roi Charles X, mais manifestement un gentleman-farmer (son portrait ci-dessous, par F-J Heim, au Louvre). Il fait don à la Société

Royale des Sciences, des Arts et de l’Agriculture de Lille d’un superbe bélier anglais du New-Leicester. L’impulsion est donnée et M. Champon-Dubois, propriétaire éclairé, va acquérir d’autres bêtes de la même race (que le bélier).

Et voilà comment les Arts ont volé au secours de l’Agriculture !

Mais l’attribution de l’Agriculture dans notre rôle ne se fait pas sans heurts

Dans sa publication, A. de Norguet se fait l’écho de quelques frictions survenues en 1841 à propos de la subvention versée annuellement par le Conseil Général à la SSAAL pour soutenir son engagement vers le monde rural. Un rapide calcul montre que, depuis 1820 la Société a reçu 4 fois : du Département 2.300 francs et du Gouvernement 3.500 francs, total : 38.000. Mais, fait valoir la Société, elle a décerné pour 47.535 francs de primes, 118 médailles d’or ou d’argent, et une très grande quantité d’instruments d’honneur. Le Conseil Général pose alors une question assez délicate qui vise directement la Société : Faut-il dépenser dans des publications agricoles ? Et le Conseil de se répondre à lui-même : « Non  car le cultivateur ne lit pas ». « Si, Il lit ! » lui rétorque la SSAAL « et les livres faits non par des hommes étrangers à la pratique, mais par ceux qui véritablement savent produire, nous semblent devoir être profitables. » La Société s’est trouvée heureuse de pouvoir concourir à fonder des bibliothèques rurales, et elle l’a fait avec empressement. Elle se trouve heureuse de répandre des connaissances dans les campagnes au moyen de ses publications agricoles, parce qu’elles ont produit un bien qu’on ne saurait nier. Elle met ces publications dans les mains de ses associés, qui, assurément, sont bien capables de les comprendre et de les méditer, et qui savent bien ensuite à qui les confier. Ces petits livrets sont comme les jetons de présence qui attestent l’affiliation des agriculteurs à une Société laborieuse et scientifique, c’est dans ces cahiers que sont décrites les nouvelles cultures que nos associés ont entreprises et qu’ils montrent à leurs voisins ; c’est là que sont mentionnées les distinctions et les récompenses qu’ils ont obtenues.  « Louer et faire connaître, ce que les praticiens ont tenté, leur donner un moyen de propager les bonnes méthodes, en leur laissant le mérite, nous semble être ce qui attache le plus fortement à la Société les hommes qu’il importe d’inviter à prendre part à nos discussions. Nous pensons donc qu’il n’est pas possible de proscrire les publications agricoles, nous en avons obtenu les plus heureux résultats. »

Juste pour mémoire les prix décernés pour 1828 aux Agriculteurs :

– Trois médailles pour les houblonnières les mieux cultivées : l’une d’une valeur de 200 francs à M. Lecomte-Lepoutre (de Bousbecque), l’autre à M. Descamps (à Croix), et une d’une valeur de 150 francs à M. Leroi (à Houplines),

– Un prix de 150 francs à M. Masquelier propriétaire du plus beau taureau présenté au concours,

– Un prix de 100 francs à M. Hochart (d’Allennes), propriétaire du second plus beau taureau,

– Un prix de 100 francs à M. Masquelier-Boet pour avoir présenté la plus belle génisse hollandaise née dans l’arrondissement,

– Quatre prix de 50 francs chacun à MM Potier-Casetan, Houzé de l’Aulnoit, Masquelier-Boet et Labbé, propriétaires des génisses les plus belles après les précédentes.

 

– Un Vendredi de Véra, le 16 novembre 2017

EXPOSITIONS DE SOUVENIRS, 1955

 Cette année-là se tient à Lille du 29 mai au 4 juin le 80ème Congrès des Sociétés Savantes de France.  La SSAAL est très impliquée dans l’accueil des 300 congressistes et dans l’élaboration du programme scientifique et culturel. Le Président en est alors Joseph Kampé de Fériet, célèbre mathématicien, fondateur de l’Institut des Mécaniques des Fluides de Lille – ce qui ne l’empêchera pas de présenter à la SSAAL lors de sa séance du 8 mars 1957 un récit fort documenté sur Le Séjour de la Famille Mozart à Lille.

La cérémonie d’ouverture du 80ème Congrès se déroule dans la grande salle des examens de la Faculté de Droit, rue Paul Duez, sous la présidence du Recteur Souriau.

Le programme culturel invite les congressistes à la découverte d’une « Exposition de Souvenirs » de la SSAAL au Palais des Beaux-Arts de Lille. Son conservateur, Pierre Maurois (qui sera l’année suivante Président de la SSAAL) a l’excellente idée d’y faire exposer de nombreuses pièces de souvenirs de 49 de ses membres (sur les 400 entre 1802 et 1955). Le catalogue, sans illustrations (car trop coûteuses), présente dans l’ordre alphabétique, de A comme Edouard Agache-Kuhlmann à W comme Aimé Witz,  diverses pièces,  prêtés de la Faculté des Sciences, du Musée de Lille, de la Bibliothèque Municipale, du Musée industriel et commercial, des Archives Départementales du Nord, de la Faculté Libre, du Musée d’Histoire naturelle,  de la Société Industrielle (en 1955 la SSAAL y est encore hébergée pour ses séances, au 116 rue de l’Hôpital Militaire), mais aussi de particuliers.

Les   objets  exposés dans des vitrines (figures ci-dessous) racontent la passionnante histoire de notre SSAAL :  portraits des membres (peints ou photographiés selon les époques), une lettre d’E-L Malus adressée aux membres de la SSAAL et datée de son départ de Lille le 8 germinal de l’an XII1, (voir fig) une lettre de S. Bottin à sa fiancée, le microscope utilisé par L. Pasteur dans son laboratoire de Lille, l’épée et le bicorne de L. Faidherbe, les albums de photos « Voyage en Egypte par Maxime du Camp » imprimés en 1852 dans son imprimerie à Loos par L. Blanquart-Evrard (voir fig), la canne et le marteau du géologue J. Gosselet. Bien entendu, la SSAAL a sorti de ses propres archives un échantillon de précieux documents et souvenirs :  Registre des délibérations de la Société 1802–1817, Etat des dépenses en 1810, Correspondance administrative relative à l’érection de la Société des Sciences en Société Royale 1828-1829, Palmarès de la distribution des Prix de la Société année 1825, Fête du Centenaire de la Société,  Programme de la séance solennelle de 1902, Invitation et menu du Dîner du Centenaire, Invitation au Dîner Annuel 1910,  Menus des années  1908–1909–1910–1912 (voir fig), Jetons et médailles de la Société.

La presse locale a donné un large écho aux différents évènements aussi bien scientifiques que culturels. Sur les photos publiées alors on voit au Palais des Beaux Arts les congressistes écoutant attentivement Kampé de Fériet et Pierre Maurois qui évoquent avec force détails le souvenir des 49 membres de la SSAAL dont les objets, leur appartenant jadis, ont retrouvé une nouvelle vie, le temps du Congrès à Lille des Sociétés Savantes.

(1) Le 29 mars 1804

 

 

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– Un Vendredi de Véra, le 22 septembre 2017

La Société Impériale des Sciences de Lille,  Médaille d’Or 1861 !

La Séance Solennelle de la Société Impériale des Sciences, de l’Agriculture et des Arts du 22 décembre 1861 est encore plus remarquable que celle dont le grand public a l’habitude annuelle. L’événement a attiré à Lille une grande partie de la presse nationale, dont le journaliste de l’hebdomadaire L’Illustration : un long article du 8 janvier, joliment illustré par un dessin de l’artiste du Nord Eugène Boldoduc qui offre une vue splendide sur l’intérieur de la Salle du concert, Place du Concert, où ont pris place sous lustres et stucs, les membres de la SSAAL au grand complet face à un public très nombreux.  La séance est ouverte par le Président Edmond de Coussemaker, en présence, entre autres, du Maire de Lille, M. Auguste Richebé.

Dès l’ouverture de la séance, le Président provoque dans le public des acclamations de joie en proclamant haut et fort : «  La Société Impériale  des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille vient de recevoir de la main de son Excellence le Ministre de l’Instruction Publique et des Cultes,  Mr. Gustave Rouland,  la plus haute des récompenses qu’elle pût ambitionner, la toute première Médaille d’Or attribuée à une Société Savante de France », médaille que le Président montre fièrement au public. Dans la salle, le journaliste Edouard de Saint Amour du Journal L’Illustration racontera quelques jours plus tard dans son article  combien il était  impressionné par la qualité des savants lillois  récompensés ce jour là. Il mentionne les médailles des Sciences appliquées, ceux des Sciences médicales, d’Hygiène et d’Histoire remises aux lauréats ; Il cite longuement le lauréat du concours de poésie, médaille d’or décernée à M. Deltombe, instituteur à Orchies qui avait choisi pour sujet « La Bataille de Bouvines, « ce fameux dimanche de Bouvines », puis le journaliste signale un fait particulier de cette séance: la médaille d’or décernée – hors concours – à Alexandre Desrousseaux, le chansonnier lillois. Une dernière récompense concerne les 7 brevets remis aux élèves chauffeurs, car notre Société, toujours à l’avant-garde, avait créé en 1857 une école de Chauffeurs pour former les conducteurs de machines à vapeur, en étroite collaboration avec les industriels lillois.

Parmi les membres présents siège l’infatigable Charles Delezenne (1776–1866), membre depuis 1806 et doyen d’âge. L’initiateur en 1817 à Lille du premier cours d’enseignement de la Physique était une des gloires scientifiques lilloises, comme le souligne dans son édition de 1868 l’annuaire statistique du Nord. Cette admiration s’est traduite plus tard, sur demande de Benoît Damien autre physicien lillois, par la pose d’un buste en bronze de Ch. Delezenne au frontispice de l’Institut de Physique, rue Gauthier de Châtillon à Lille,  il est toujours en place, mais le bâtiments accueille  désormais l’Ecole Supérieure de Journalisme.

Cette Séance Solennelle se clôt par un chant du Cercle Orphéonique : «  Le Départ des Pasteurs », musique d’Armand Limnander, compositeur belge ami du Président de séance.

Dessin de Boldoduc dans  l’Illustration (BM Lille cote P 906)