Chronique du 17 décembre 2021
Vera Dupuis
Évocation de quelques membres correspondants remarquables depuis la fondation de la Société des Amateurs des Sciences et des Arts en 1802
Fondée en 1802 notre Société compte déjà un an plus tard 34 membres correspondants, la plupart sont originaire des villes du nord, on observe que notre Société commence à tisser un réseau régional porté par des membres correspondants qui participent à la diffusion de l’information scientifique et culturelle.
En 1804 notre Société nomme Etienne-Louis Malus membre correspondant (1775-1812) Malus mène une carrière de militaire et une carrière de scientifique ; il a participé à la campagne d’Égypte où il a pris part à la bataille des Pyramides en juillet 1798 ; en tant que scientifique il siège en Égypte dans le tout nouvel Institut Scientifique au côté des Gaspard Monge dans la section des Mathématiques.
Il faut attendre 1809 pour que trois célèbres artistes intègrent le rang des membres correspondants : Le sculpteur Philippe-Laurent Roland, le graveur Masquelier et Jean-Baptiste Wicar, futur bienfaiteur de notre Société. La date de 1809 n’est pas anodine dans le choix de ces trois artistes : cette année-là s’ouvre à Lille le premier Musée de peintures de la ville, installée dans l’ancien Couvent des Récollets, rue des Arts. Notre Société a toujours été à la pointe de l’actualité, elle montre à sa manière l’intérêt qu’elle porte à l’ouverture du musée ; j’imagine aisément Sébastien Bottin pour rapporteur de ces trois nominations, car c’est un membre très actif qui aime les arts, il est le secrétaire général à la Préfecture de Lille, celle qui a poussé la ville à ouvrir un musée avec les tableaux réquisitionnés pendant la Révolution française. Lorsque Wicar passe pour une dernière fois à Lille en 1815 il peint un très beau portrait de S. Bottin aujourd’hui dans les collections du Palais des Beaux-Arts de Lille.
Petit à petit en consultant nos Mémoires on décerne des affinités entre nos rapporteurs et le choix des correspondants, ce fut le cas par exemple du choix en 1810 de François de Neufchâteau, il fut dans sa longue vie Ministre de l’intérieur, Sénateur, proche de l’Empereur, avec une passion pour l’Agronomie ; il entretenait une correspondance abondante avec Sébastien Bottin sur des questions agricoles, en particulier sur la pomme de terre et la chicorée, il pose même la question : faut-il remplacer le café par la poudre de chicorée Les archives nationales à Paris, possèdent dans le Fonds François de Neufchâteau, sa lettre d’admission à la SSAAL, daté du 5 aout 1810 ! (cf ma chronique du 14/6/2019)
Autre affinité, celle entre Fréderic Kuhlmann et le chimiste Allemand Justus Von Liebig, tous deux nés la même année 1803 ; Liebig est par son travail de chercheur et d’enseignant en Allemagne LE fondateur de l’agriculture industrielle ; c’est un proche du chimiste Kuhlmann, qui le fait nommer correspondant en 1829, Liebig a alors tout juste 26 ans. Quelques années plus tard, Kuhlmann enverra son fils pour un stage chez Liebig (1841).
Bien sûr, scientifiques, littéraires et artistes n’échappent pas à la clairvoyance de notre Société, voici quelques noms :
– René-Just Haüy, 1806, qui est le grand minéralogiste français, membre de l’Institut.
– L’année 1826 est une année faste : arrive Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, le célèbre naturaliste, c’est bien lui qui a accompagné en 1828 pendant 41 jours entre Marseille et Paris la fameuse girafe offerte à Charles X par le Pacha d’Égypte. Arrivent également en 1826 J. W. von Goethe et Sosthène de la Rochefoucauld, directeur des Beaux-Arts auprès du roi Charles X qui vole au secours de la Société Royale des Sciences de l’Agriculture et des Arts de Lille, celle-ci vient lancer en1828 un concours pour améliorer la race ovine dont la qualité grossière de la laine ne donnait pas toute satisfaction. Alors notre Sosthène de la Rochefoucauld va se transformer en gentleman Farmer en faisant tout simplement don à la Société Royale d’un superbe bélier anglais du New-Leicester et comme il le dit « dans l’espérance d’améliorer la qualité de la laine des moutons » (cf. ma chronique du 15/12/2017).
– En 1834 arrivent François Arago, astronome, physicien et homme d’État français et Adolphe Brongniart, professeur au muséum d’histoire naturelle à Paris (1840)
– En 1852 Albert Duc de Luynes
– En 1855 notre Louis César Faidherbe, alors gouverneur du Sénégal
– Évidemment Louis Pasteur, membre titulaire de notre Société depuis 1855, devient membre correspondant en quittant Lille en 1857
Je souhaite évoquer encore les liens amicaux entre deux entomologistes, le lillois Pierre Justin Marie Macquart, membre titulaire de notre Société depuis 1803 et Johann Wilhelm Meigen entomologiste allemand, tous deux spécialistes des diptères, Meigen devient notre correspondant en 1833. Il est connu pour sa description systématique des diptères d’Europe, grâce à une publication en 7 volumes, (parus de 1818 à 1838), contenant la description de 5.500 espèces européennes et accompagnée de nombreuses planches dessinées par l’auteur. Il fut le véritable créateur de la diptérologie. Macquart raconte dans nos mémoires que Meigen était père de 14 enfants et qu’il tirait le diable par la queue. Macquart l’a aidé à vendre ses collections et ses dessins au Muséum de Paris, ce Musée possède aujourd’hui une exceptionnelle collection de planches, de publications et de précieuses descriptions. J’ouvre une parenthèse : Macquart à sa mort en 1855 a légué à notre Société sa bibliothèque contenant 800 volumes et sa collection d’insectes.
Je termine en me posant une question ! Où sont les femmes ?
HELAS, en un siècle notre Société n’aura nommé que 2 femmes membres correspondants : la première en 1828 : Marie-Anne Libert, naturaliste belge, et la seconde en 1830 : Albertine Clément, une femme de lettre, écrivaine et journaliste, née à Cambrai. J’ajoute : une sacrée bonne femme, qui en valait 10, petite consolation (cf. ma chronique du 19/1/2018)
Voir ici les correspondants « historiques »